Je suis thérapeute, spécialisée dans le transgénérationnel - Loyautés familiales - Mémoires familiales inconscientes
L’affaire du petit Grégory a marqué la France entière par sa violence, ses secrets et son mystère. Au-delà du fait divers, elle révèle des dynamiques familiales complexes et des blessures invisibles transmises de génération en génération. À travers une analyse transgénérationnelle, je propose un éclairage inédit : comprendre comment l’histoire d’une lignée peut peser sur ses descendants et mener jusqu’au drame.
Quand on évoque l’affaire du petit Grégory, la plupart des regards se tournent vers l’enquête, la justice, les suspects.Pourtant, bien avant ce drame, la famille Villemin portait déjà un lourd héritage.
À travers l’histoire de leurs ancêtres, on découvre une succession d’épreuves, de blessures et de non-dits qui résonnent encore des générations plus tard.A travers cette lecture transgénérationnelle, j'explore les fragments de l'histoire familiale, les secrets et les traumatismes qui se transmettent entre générations. Ce travail ne présente aucun jugement mais une invitation à comprendre les filiations invisibles.
Mon intention est de comprendre comment des événements douloureux, des traumatismes ou des secrets peuvent, de génération en génération, laisser une empreinte et parfois influencer les destins. Il ne cherche pas à juger ni à désigner de coupables, mais à mettre en lumière la trame familiale et transgénérationnelle dans laquelle s’inscrit ce drame.
RAPPEL DE L'HISTOIRE
L’affaire du petit Grégory a marqué la France entière. Le 16 octobre 1984, à Lépanges-sur-Vologne, Grégory Villemin, un petit garçon de 4 ans, est retrouvé noyé dans la rivière. Ce drame, qui a déchaîné l’opinion publique et bouleversé le pays, reste l’une des plus grandes énigmes judiciaires françaises.
Au-delà des faits divers et des soupçons, ce qui se rejoue dans cette histoire dépasse l’instant présent. Certaines répétitions et coïncidences interpellent et trouvent un écho dans l’histoire familiale des Villemin.
La psychogénéalogie et l’analyse transgénérationnelle nous invitent à interroger ces mémoires enfouies, ces drames initiaux qui marquent une lignée et peuvent resurgir des décennies plus tard.
LES RACINES DU DRAME : Comprendre l’histoire familiale des Villemin
Quand on entend « affaire du petit Grégory », beaucoup pensent immédiatement à 1984 et au fait divers médiatique. Mais les drames prennent racine dans une histoire familiale ancienne, faite de secrets, de honte et de ruptures.
Dans ce billet, je reviens sur l’un des premiers chocs qui marquent la lignée — le meurtre du petit Étienne — et je propose une lecture transgénérationnelle pour comprendre comment ces événements peuvent se transmettre et se rejouer.
LE DRAME INITIAL : La mort du petit étienne Villemin
Dans les années 1930, Gaston VILLEMIN, est le père d’un petit garçon nommé Étienne, âgé de 4 ans.
Il est l'arrière grand-père paternel du petit Grégory, père de Albert, lui même père de Jean Marie Villemin, lui même père de Grégory.
Un soir, après avoir vomi dans sa soupe, Étienne est frappé par sa mère ; en tombant, il heurte sa tête contre une gazinière. Pendant environ quinze jours, la mère tente de dissimuler la plaie en faisant porter un béret à Etienne.
🕖 14 Février 1931Le père, intrigué par le fait que l’enfant garde un béret même pour dormir, le retire et découvre l’étendue des blessures. Etienne a une grande plaie sur le front qui s'est infectée car elle n'a jamais été soignée.
🕖 16 Février 1931Étienne est conduit à l’hôpital "La Bruyère"mais décède quelques jours plus tard. Le médecin n'a pas voulu procédé à l'inhumation suite à l'examen du petit et a demandé une autopsie au vue des éléments. Il constatera également qu’il portait des marques antérieures : bleus et un poignet cassé, signes d’une violence répétée.La mère, l'arrière grand-mère paternel du petit Grégory, Jeanne Marie HOLLARDmaltraitait Etienne régulièrement.
🕖21 Février 1931Le garçon va décéder à l'hôpital; Il a 4 ans.
Vous observez que l'enfant a le même âge que le petit Grégory au moment de son décès.
🖇️ ETIENNE 4 ANS 🖇️ GREGORY 4 ANS
En psychogénéalogie, Anne Ancelin Schützenberger a décrit comment certains événements familiaux traumatiques non dits — secret, honte, deuil non fait — peuvent se répéter chez les descendants, souvent autour des mêmes dates ou au même âge : elle a appelé cela le syndrome d’anniversaire.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’une simple coïncidence statistique mais d’un mode de transmission inconsciente quand l’histoire n’a pas été élaborée et nommée.
Les travaux d’Abraham et Torok complètent cette perspective en montrant comment le secret familial peut agir comme un « fantôme » qui pèse sur les générations suivantes.
🕖 Prison de 1931 à 1933La mère est condamnée et incarcérée à 3 ans de prison pour suite de coups violents sur mineur de moins de 15 ans. C’est en prison, à la prison de Nancy qu’elle met au monde son dernier enfant, Jeannine. C'est dans la même prison que sera incarcéré Jean Marie Villemin après l'assassinat de Bernard Laroche.
Gaston a entamé une procédure de divorce qu'il ne mènera pas au bout.
SECRETS ET ADULTERES DANS LA FAMILLE VILLEMIN
La deuxième fracture vient de Jeanne-Marie Hollard (arrière grand-mère paternelle), qui s’éprend d’un autre homme et vit un adultère.
Nous sommes en 1940, pendant la 2ème guerre mondiale. Gaston a été mobilisé et est parti dans un camp de prisonnier. Jeanne marie Hollard rencontre "HANS" un soldat allemand venu surveiller les fermes.
Elle s'enfuie avec lui en emmenant avec elle Jeannine, sa dernière fille née en prison et plaçent ses deux autres enfants ( Yvette et Albert) chez des proches, voisins, oncles et tantes.
Cette relation, vécue dans le contexte de la guerre et de l'occupation, a une dimension transgressive majeure. Elle brise les règles sociales, conjugales et patriotiques.
Dans les mentalités de l’époque, cette situation ne se limite pas à un écart amoureux : elle est vécue comme une trahison, une humiliation, une honte qui retombe sur toute la famille.
La honte n’est pas seulement intime ou conjugale, elle devient collective. Dans les villages, les rumeurs circulent, la famille entière porte l’opprobre.
L’adultère est toujours un séisme relationnel, mais quand il survient dans un contexte où la réputation et l’honneur familial comptent autant, il devient une blessure collective. La honte infiltre les générations, comme une mémoire silencieuse mais pesante.
En analyse transgénérationnelle, on sait que les secrets de famille – adultères, liaisons interdites, abandons – laissent une empreinte durable. Comme le décrivent Nicolas Abraham et Maria Torok, "ce qui est tu, peut revenir hanter les générations suivantes, sous forme de symptômes ou de répétitions tragiques".
LE SUICIDE DE GASTON : une pendaison au cœur de la lignée
Le troisième drame frappe avec le suicide de Gaston Villemin, retrouvé pendu.
Quand Gaston, le père, revient de captivité en 1942 parce qu'il est malade, il découvre la trahison :
son épouse est partie avec un autre homme, un allemand, et surtout… avec leur fille.
Accablé par la honte, c'est la douleur de trop.
Brisé après le décès de son premier enfant et par la douleur de la trahison, Gaston met fin à ses jours par pendaison.
Un geste radical, un arrachement brutal, qui laisse derrière lui des enfants (Yvette et Albert) dévastés et orphelins.
Dans une lignée, un tel geste laisse une marque profonde. Le suicide ne s’éteint jamais avec celui qui part : il résonne, il hante, il interroge ceux qui restent.
Le non-dit et la honte imprègnent parfois plus puissamment encore que les mots et ce geste devient un héritage à part entière, une blessure invisible que les descendants portent, parfois sans même savoir d’où elle vient.
Dans l'arbre familial lié à l'affaire du petit Grégory, ce geste semble avoir tracé un sillon. Plus tard, d'autres suicides marqueront la lignée, comme si ce premier geste de Gaston avait ouvert une voie tragique, rejouée inconsciemment par ceux qui viendront après lui.
LE MARIAGE LE JOUR DES SAINTS INNOCENTS : un symbole troublant
Enfin, un détail marquant de l’histoire familiale : le mariage de Gaston Villemin et Jeanne-Marie Hollard, est célébré un 28 décembre, jour de la fête des Saints Innocents.
Cette fête chrétienne commémore le massacre des enfants ordonné par le roi Hérode, un jour de mémoire douloureuse pour l’innocence sacrifiée. Se marier en ce jour porte une symbolique paradoxale : l’union, la vie nouvelle… mais aussi une résonance de mort et de sacrifice des plus vulnérables.
Dans une lecture symbolique et transgénérationnelle, ce choix de date n’est pas anodin : il inscrit dès le départ dans l’histoire du couple, un écho troublant entre l’amour, l’innocence et la tragédie, entre les innocents sacrifiés et les enfants victimes.
Un fil rouge qui traverse la lignée jusqu'au drame de 1984.
LE DEUIL GELE D'ETIENNE
Lorsque l’on évoque Étienne, ce petit garçon de 4 ans tué par sa mère en 1931, une question essentielle se pose : a-t-il eu sa place dans le deuil familial ? Les faits laissent penser que non. Sa mort, tragique et source de honte, n’a pas été pleinement accueillie : la mère est condamnée et incarcérée et le père finira par se suicider.
En psychogénéalogie, on parle alors de “mal mort” et de “mal enterré” :
⚫Mal mort: Étienne est un enfant dont la mort n’a pas été symboliquement intégrée. Personne n’a pu nommer l’événement, pleurer la perte ou accueillir la douleur. Sa disparition reste un non-dit, une mémoire inconsciente qui peut traverser les générations.
⚫ Mal enterré : Le deuil n’a pas été célébré, et l’enfant n’a pas trouvé sa « bonne place » dans l’histoire familiale.
Ces deux réalités — mal mort et mal enterré — créent ce que les psychogénéalogistes appellent un deuil gelé : la perte n’est ni accueillie, ni symbolisée et elle reste suspendue et continue à peser sur les descendants.
Dans l’arbre familial Villemin, ce non-dit et cette mémoire non intégrée d’Étienne, deviennent un fantôme familial : une empreinte invisible qui peut se traduire par des répétitions dramatiques, des peurs, des silences, voire d’autres morts précoces dans les générations suivantes.Ainsi, comprendre Étienne comme un enfant mal mort et mal enterré permet de mieux saisir le terreau psychologique et transgénérationnel sur lequel s’inscrit, plus tard, le drame du petit Grégory.
LECTURE TRANSGENERATIONNELLE : une famille marquée par des épreuves répétées
Dans une approche transgénérationnelle, on observe comment un meurtre, une honte, un abandon, un suicide… laissent une empreinte invisible sur toute une lignée.
Ces événements ne disparaissent pas : ils circulent de génération en génération, parfois sous forme de secrets, parfois sous forme de symptômes, parfois jusqu’à réapparaître dans de nouveaux drames familiaux. »
Alors, quand on parle de l’affaire Grégory, on ne peut pas la regarder uniquement comme un fait divers isolé.
Elle s’inscrit dans une histoire beaucoup plus longue, faite de blessures, de deuils impossibles et de transmissions silencieuses.
Quand on rassemble ces éléments – la mort du petit Étienne, l’adultère et la honte, le suicide de Gaston, et le mariage le jour des Saints Innocents – on voit se dessiner une lignée marquée par des pertes, des trahisons et des traumatismes.
Ces drames n’expliquent pas directement l’affaire du petit Grégory, mais ils donnent à voir la genèse dans lequel elle s’inscrit : une famille où les blessures se répètent et s’accumulent, où chaque génération hérite d’une mémoire douloureuse qui cherche à être reconnue.
C’est dans ce regard, celui du transgénérationnel, que nous pouvons approcher cette histoire autrement :
non pas en cherchant un coupable, mais en explorant les traces invisibles que laissent les drames familiaux.
ET AUJOURD'HUI?
L'affaire du petit Grégory reste à ce jour un mystère judiciaire. Mais au-delà de l'enquête et des soupsons, une autre lecture est possible : celle d'un drame transgénérationnel. L'analyse transgénérationnelle nous apprend que les traumatismes non résolus ne disparaissent pas . Ils se transmettent. Les descendants portent parfois le poids d'évênements anciens, enfouis, tus... En revisitant ces histoires, il ne s'agit pas de juger mais de comprendre.
Donner une place aux disparus, mettre des mots sur des silences, reconnaitre la mémoire des innocents...
LIEN AVEC MON TRAVAIL DE THERAPEUTE
C'est ce type de lecture que je propose dans mes accompagnements en analyse transgénérationnelle: Explorer les histoires pour comprendre ce qui se rejoue aujourd'hui et trouver des voies de réconciliation.
L'analyse transgénérationnelle nous rappellent que les histoires familiales ne s'arrêtent pas aux générations qui les vivent. Elles se transmettent consciemment et inconsciemment.
En revisitant nos mémoires, nous pouvons redonner une place aux disparus, mettre des mots sur les silences et alléger le poids que portent encore certains descendants.